Question posée au grand savant sounni, salafi, Sheikh Mohammed Ali Ferkous ( Hafidhahullah ) :
Que doivent la femme enceinte et la femme allaitante faire au cas où elles ne feraient pas le jeûne du mois de Ramadân ? Est-ce qu’elles doivent jeûner ultérieurement les jours qu’elles n’ont pas jeûné ou doivent-elles nourrir un pauvre (pour chaque jour) à titre de compensation ?
- Réponse du Sheikh : Louange à Allâh, Maître des Mondes ; et paix et salut sur celui qu’Allâh a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Cela dit :
Si la femme enceinte et celle qui allaite pourraient jeûner, mais avec peine et difficulté, ou auraient craint pour elles-mêmes ou pour leurs enfants ; elles ne doivent pas jeûner ultérieurement les jours qu’elles n’ont pas jeûné. Cependant, si elles n’accomplissent pas le jeûne, elles doivent nourrir un pauvre (pour chaque jour) à titre de compensation, conformément au hadith du Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلّم: «Allâh عزَّ وجلَّ a épargné la moitié de la prière et le jeûne au voyageur, à la femme allaitante et à la femme enceinte.»(1)
Ainsi, le fait de jeûner ultérieurement les jours où on a laissé le jeûne a été prescrit pour le voyageur dans la Parole du Très-Haut :
﴿وَمَنْ كَانَ مَرِيضًا أَوْ عَلَى سَفَرٍ فَعِدَّةٌ مِنْ أَيَّامٍ أُخَرَ﴾ [البقرة: 185].
﴾Et quiconque est malade ou en voyage, alors qu’il jeûne un nombre égal d’autres jours﴿ [s. Al-Baqara (la Vache) : v. 185]
Et la compensation en nourrissant un pauvre pour chaque jour a été prescrite pour le vieil homme, la vieille femme, la femme enceinte et celle qui allaite dans le verset :
﴿وَعَلَى الَّذِينَ يُطِيقُونَهُ فِدْيَةٌ طَعَامُ مِسْكِينٍ﴾ [البقرة: 184].
﴾Mais pour ceux qui ne pourraient le supporter (qu’avec difficulté), il y a une compensation : nourrir un pauvre﴿ [s. Al-Baqara (la Vache) : v. 184]
L’opinion permettant à la femme enceinte et à celle qui allaite de manger tout en nourrissant obligatoirement un pauvre pour chaque jour sans avoir recours à un jeûne ultérieur, est l’avis le plus prépondérant parmi les autres. Cela est l’opinion qu’Ibn Abbâs et Ibn ‘Oumar et autres ont adoptée. Il a été authentiquement rapporté qu’Ibn Abbâs رضي الله عنهما a dit : «Si, en jeûnant le mois de Ramadân, la femme enceinte craint pour elle-même et la femme allaitante craint pour son enfant, elles doivent alors laisser le jeûne et nourrir, à titre de compensation, un pauvre pour chaque jour, et ne doivent point jeûner ultérieurement [les jours qu’elles n’ont pas jeûné].»(2)
Il a été rapporté aussi que le même compagnon a vu une esclave à lui, mère de son enfant, en état de grossesse ou en période d’allaitement ; ainsi il a dit : «Tu es du nombre de ceux qui ne peuvent pas supporter le jeûne ; tu dois alors nourrir un pauvre pour chaque jour [à titre de compensation], et tu ne dois point faire le jeûne ultérieur [des jours que tu n’as pas jeûné].»(3)
Ad-Dâraqoutnî a rapporté qu’Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما a répondu à la question que lui a posée sa femme qui était en état de grossesse, en disant : «Tu dois laisser le jeûne et nourrir un pauvre pour chaque jour [à titre de compensation], et tu ne dois point faire le jeûne ultérieur [des jours que tu n’as pas jeûné].»(4)
- Du moment que l’opinion d’Ibn Abbâs et Ibn ‘Oumar رضي الله عنهم était répandue au milieu des compagnons sans qu’aucun d’eux ne la contredise ; cela est considéré, par la majorité des savants, comme étant preuve et unanimité. Ce qui est connu chez les spécialistes des fondements de la jurisprudence comme «l’unanimité silencieuse (ou tacite)». D’autre part, l’explication d’Ibn Abbâs رضي الله عنهما se rapporte à la cause de la révélation du verset ; et parmi les règles établies dans les sciences relatives au hadith est que l’explication d’un compagnon qui se rapporte à la cause de la révélation du verset a le même statut du hadith élevé (au Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم). Un statut pareil est considéré supérieur aux autres propos qui se fondent sur l’avis et l’analogisme.
Remarque :
1. La femme allaitante ayant les lochies doit faire le jeûne ultérieur des jours qu’elle n’a pas jeûné (lors de cette période) et ne doit pas nourrir un pauvre (pour chaque jour) en compensation ; car les lochies empêchent le jeûne. Ce qui représente un statut plus particulier que l’excuse de l’allaitement et de la grossesse en ce qui concerne le non-accomplissement du jeûne et sa compensation ; étant donné que le particulier est plus prioritaire pour qu’il soit devancé, contrairement à la période où la femme est en état de pureté, car aucune opposition n’en existe avec un empêchement.
2. Elle doit aussi jeûner si elle allaite son enfant moyennant le biberon ; car ainsi, elle est considérée comme une femme allaitante au sens figuré et non propre du terme.
3. Si l’enfant atteint l’âge de cinq mois ou plus, de façon à ce qu’il puisse se nourrir d’autre chose que le lait [de sa mère], des types de légumes et fruits, l’allaitement naturel ne serait pas dans ce cas une excuse pour ne pas jeûner, a fortiori l’allaitement artificiel.
Le savoir parfait appartient à Allâh سبحانه وتعالى, et notre dernière invocation est qu’Allâh, Seigneur des Mondes, soit Loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.
Alger, le 10 de Ramadân 1427 H,
correspondant au 3 octobre 2006 G.
(1) Rapporté par : Aboû Dâwoûd (2408), At-Tirmidhî (715), An-Naşâ’î (2275), et Ibn Mâdjah (1667), d’après Anas ibn Mâlik Al-Ka‘bî Al-Qouchayrî رضي الله عنه. Authentifié par Al-Albânî dans Sahîh Abî Dâwoûd (2083).
(2) Rapporté par At-Tabarî dans son Exégèse (2/136). Al-Albânî a dit : « Sa chaîne de transmission est authentique d’après les conditions de Mouslim » dans Al-Irwâ’ (4/19).
(3) Rapporté par At-Tabarî dans son Exégèse (2/136) et Ad-Dâraqoutnî (2382). Al-Albânî a dit : « Sa chaîne de transmission est authentique selon les conditions de Mouslim ». Cf. : Al-Irwâ’ (4/19).
(4) Rapporté par Ad-Dâraqoutnî (2388). Al-Albânî, dans Al-Irwâ’ (4/20), a dit : « Sa chaîne de transmission est Djayyid [très bonne]. »